Le meilleur des mondes

Le discours de Sarkozy sur le rapport Olivennes tombe à pic, nous sommes à Salvador de Bahia, la capitale musicale du Brésil. À l'auberge, David, un "producer" indépendant tripant. La ville est pauvre, le paysage est fait de pauvreté et de violence mais une énergie et une joie inimaginables. La musique vient du coeur, les percussions font résonner les vibrations de chacun dans toutes les rues de la ville. La création artistique pour les plus doués, les mélanges pour les influencés, l'imitation pour les quelques autres. La musique vit et fait vivre. On ne joue pas pour gagner du fric, on joue pour s'exprimer, la reconnaissance et la rémunération sont dans une deuxième dimension. Tout le monde sait que le succès est fragile.

Alors quand Sarkozy parle d'un "trou noir capable d'engloutir et d'assécher cette richesse et ce foisonnement créatif", que c'est "à une véritable destruction de la culture que nous risquons d'assister", cela fait doucement rigoler. La destruction de la StarAc ne sera pas un drame pour la création musicale, rassurons-nous.

Quand on demande à David "Est-ce que les concerts suffiraient à rémunérer les artistes ?", il répond que déjà il n'y a qu'une quantité infinitésimale d'artistes qui gagnent leur vie avec leur musique. Ce sont principalement ceux qui font de la merde pour sonnerie de téléphone portable. Ce sont les U2, Madonna, Bowie... qui ont pourri le système des productions, et puis MTV, les DVDs font du tort aux salles de concerts. Pirates : copiez des CDs d'Universal et vous ne ferez que diminuer le salaire des requins de la musique commerciale. Copiez la musique des gamins des favelas produits par des indépendants et vous serez torturés par votre conscience et votre éthique. La musique, la création, cela ne disparaitra jamais. Distribuer gratuit, non. 200 000 copies de U2 c'est pas pareil que 200 000 copies des favelas. Le but c'est s'éclater, et faire du social, l'argent revient directement au Brésil. Mais attention les bureaucrates réclament des cachets, et selon les contrats ils refilent que 8% à l'artiste ! Mieux vaut faire des contrats de distributions, presser ses disques et les revendre.

Sarkozy annonce des moyens intelligents et astucieux, comme par exemple l'"envoi de mails d'avertissements" ! Tout l'Internet avait averti le gouvernement sur les DRM (verrous techniques), aujourd'hui il fait de la démago en disant qu'ils vont les supprimer. Faisons lui confiance, l'intelligence réside plus dans cet autre concept : "mettre en oeuvre des dispositifs de filtrage". Filtrer, contrôler, welcome in a brave new world. Christian Paul, député de la Nièvre, affirme que ce rapport "renoue avec le fantasme d'une police du net dévouée aux majors", "le plus grave réside dans la tentation de surveillance permanente du net, en dehors de tout crime ou procédure judiciaire". L'association de consommateurs UFC-Que Choisir, quant à elle, dénonce "la surenchère répressive" et pointe du doigt "un rapport très dur, potentiellement liberticide, antiéconomique et à contresens de l'histoire numérique". Et puis évidemment, il y a cet autre moyen intelligent : les crédits d'impôts. Avec cela c'est évident, c'est révolutionnaire !

Lisons les réactions à chaud des gens concernés ! C'est fantastique ! On lit par exemple : L'ensemble des sociétés représentant les ayants droit de la musique (Snep, SCPP, Sacem, UPFI) se félicitent de la teneur de cet accord. À l'exception de l'Adami, qui représente les artistes interprètes et qui n'a pas signé le texte : elle « regrette que les organisations représentant les consommateurs et le public n'aient pas fait partie des négociateurs de cet accord, alors que l'efficacité des dispositifs destinés à lutter contre la gratuité dépend aussi du consentement du public et donc, de son adhésion aux objectifs poursuivis ». Par ailleurs, elle déplore que sa proposition, qui consiste à augmenter la part du prix de la musique effectivement reversée aux artistes n'ait pas été retenue.

Mais savez-vous qui c'est ce Denis Olivennes ? C'est celui qui dirige le groupe FNAC depuis 2003.

Je voulais simplement réagir, en direct de Salvador de Bahia. Merci à tous ceux qui voté pour mettre un gouvernement comme ça en France, cela ne me donne aucune envie de rentrer.